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Par Félix KABANGUE NUMBI

[TRIBUNE] RDC en crise : pourquoi Joseph Kabila devait prendre la parole

Dans une tribune transmise à LSI AFRICA, Félix Kabangue Numbi, ancien ministre de la Santé et de l’Aménagement du territoire en République démocratique du Congo (RDC), revient sur la récente prise de parole de Joseph Kabila. Face aux critiques et aux interrogations suscitées par cette sortie médiatique, il en explique la nécessité et la légitimité. Selon lui, l’intervention de l’ancien chef de l’État s’inscrit dans un contexte de crise profonde, marquée par une détérioration alarmante de la situation politique, économique et sécuritaire du pays. Pour Kabangue Numbi, cette instabilité est la conséquence directe de l’échec du président Félix Tshisekedi, dont la gouvernance aurait plongé la RDC dans un chaos sans précédent.

Crédit Photo : DT.
Crédit Photo : DT.

Félix KABANGUE NUMBI.

Le silence d’un homme d’État n’est pas un renoncement. Il est des moments où l’histoire s’accélère, où la marche d’un pays vacille, où la voix de ceux qui ont gouverné doit se faire entendre, non par ambition, mais par responsabilité. Joseph Kabila a toujours su, lorsqu’il le fallait, garder le silence. Il l’a fait pendant six ans, refusant d’interférer dans la gestion de ses successeurs, observant avec la retenue qu’exige la continuité républicaine. Il l’a fait aussi pendant ses dix-huit ans à la tête du pays, préférant l’action aux déclarations, la patience à l’agitation. Mais l’histoire ne se contemple pas en spectateur. Il arrive un moment où parler devient une nécessité, non pour soi, mais pour le pays. Il fallait donc répondre, rappeler, rétablir. Non pas par désir de justification, mais parce qu’un silence éternel face à la déconstruction de l’État ne pouvait être un choix. 

Ne pas oublier d’où nous venons. 

Il est facile aujourd’hui d’oublier d’où nous venons. Qui se souvient encore qu’en 2001, lorsque Joseph Kabila prend la tête du pays, la République est morcelée en quatre zones sous contrôle de groupes armés et d’intérêts étrangers ? Qui se rappelle qu’il a fallu négocier avec les ennemis d’hier, reconstruire un État qui n’existait plus, rassembler une nation brisée ? Tout cela n’est pas une opinion, mais un fait. Et les faits sont têtus. Pendant son mandat, il a fait du dialogue un principe structurant. Non pas un dialogue de compromission, mais un dialogue nécessaire à l’unité nationale. Ce fut l’esprit des Concertations nationales, des accords politiques qui ont permis à tous, opposants comme gouvernants, d’avoir une place dans la gestion du pays. Il aurait pu diriger autrement, imposer une ligne intransigeante. Il a choisi la concertation plutôt que la confrontation.

La stabilité économique, un socle oublié

Il a également fait de la réforme économique une priorité. Sous son impulsion, la RDC a atteint le point d’achèvement de l’initiative PPTE, libérant le pays d’un fardeau financier écrasant. Il a stabilisé l’inflation, maintenu une économie à flot malgré les crises et résisté aux pressions extérieures qui voulaient dicter leur loi à la RDC. Ces acquis ont permis au pays d’amorcer une dynamique de croissance et de renforcer ses ressources internes. Aujourd’hui, que reste-t-il de cette stabilité durement acquise ? Le pays s’est-il renforcé ou a-t-il sombré dans l’improvisation ?

Deux M23, deux réalités différentes

On tente aujourd’hui d’effacer la ligne de démarcation entre deux M23. Pourtant, cette distinction est essentielle pour comprendre la situation actuelle. Le premier M23 : la rébellion vaincue par Joseph Kabila. Le premier M23, issu du CNDP de Laurent Nkunda et Bosco Ntaganda, est né en 2012 d’une mutinerie soutenue par le Rwanda. Face à cette menace, Joseph Kabila a adopté une stratégie claire : ni complaisance, ni compromission. Il a restructuré l’armée, mobilisé l’appui de la communauté internationale et, avec la brigade d’intervention de la MONUSCO, écrasé militairement le mouvement en 2013. Militairement, il a été vaincu. Diplomatiquement, il a été isolé. À l’époque, le Rwanda n’était pas en position d’imposer ses exigences. Kabila, avec fermeté, avait rétabli l’autorité de l’État sur tout le territoire congolais, rendant toute résurgence du M23 impossible. Le deuxième M23 : un retour orchestré à Kinshasa.

Mais alors, comment expliquer son retour ? Parce qu’en 2020, le M23 a été réhabilité à Kinshasa. Ce deuxième M23 n’est pas un simple prolongement du premier. Malgré la présence des anciens dirigeants de mouvement. Il est le produit direct des négociations menées par le pouvoir en place avec les restes du M23 défait en 2013. Pendant quatorze mois, entre octobre 2020 et décembre 2021, des éléments du M23 ont été accueillis à Kinshasa, logés, protégés et impliqués dans des discussions avec le gouvernement. Le vice-Premier ministre de l’époque, Gilbert Kankonde, avait même sollicité 1,3 million de dollars pour financer ces négociations. Que s’est-il passé ensuite ? Ces mêmes éléments, après avoir été légitimés, sont retournés au front en 2022. Et aujourd’hui, le pays paie les conséquences de cette gestion désastreuse. Le M23 d’aujourd’hui n’est pas celui que Joseph Kabila avait combattu, c’est celui que Kinshasa a ressuscité.

L’héritage d’un bâtisseur face aux fossoyeurs de la République

L’histoire jugera. Mais elle ne jugera pas ceux qui rappellent les faits, elle jugera ceux qui, ayant hérité d’un pays stable et structuré, ont laissé les fondations s’effriter. On peut discuter de tout, sauf des évidences. Joseph Kabila n’a jamais cherché à diviser, il a toujours gouverné dans l’idée que chaque Congolais, quelle que soit son appartenance, devait avoir une place dans la République. Il aurait pu choisir l’affrontement, il a préféré construire des ponts. Il aurait pu refuser l’alternance, il a respecté la Constitution. Il aurait pu renier ses principes, il est resté fidèle à sa ligne. Le temps viendra où l’histoire rétablira les faits. Il restera celui qui a pris un pays en ruine et l’a laissé debout. Celui qui, à 47 ans, avait sous sa responsabilité la maîtrise de toutes les forces de sécurité et de défense. Celui qui, au milieu du tumulte des grandes crises, a fait en sorte que la République ne s’effondre pas. Parler aujourd’hui est un devoir, pas une posture. Parler aujourd’hui n’est pas une stratégie, c’est un devoir. Et ce devoir impose de rappeler que l’État ne se construit pas sur des discours, mais sur la constance et la fermeté des actes. Si cette parole dérange, c’est peut-être parce qu’elle force à regarder la réalité en face. L’histoire retiendra les bâtisseurs et les fossoyeurs. Joseph Kabila a construit. À ceux qui dirigent aujourd’hui de prouver qu’ils en sont capables. 

Félix Kabange Numbi, ancien Ministre de la Santé et de l'Aménagement du territoire en RDC

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