TERRORISME
Attaques, mines, massacres : la terreur djihadiste renaît au nord du Nigeria
L’intensification des attaques menées par Boko Haram et son rival l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP) fait craindre une résurgence majeure de l’insurrection jihadiste dans le nord-est du Nigeria. Armés de drones, d’explosifs sophistiqués et renforcés par un apparent soutien extérieur, les groupes semblent avoir repris l’initiative, au grand dam d’une armée nigériane silencieuse et débordée.
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Crédit Photo : DT
Bola Tinubu.
Au moins 48 morts en trois jours. Le bilan est lourd, et il pourrait encore s’alourdir. Dans les États d’Adamawa et de Borno, les attaques jihadistes se sont multipliées entre vendredi et lundi, culminant avec l’explosion d’un engin improvisé sur une route de Borno qui a pulvérisé deux véhicules civils. Depuis le début de l’année, des dizaines d’autres personnes ont péri dans une série d’embuscades, de raids et d’attentats ciblés, illustrant une recrudescence inquiétante de la violence armée.
Dans l’État de Borno, berceau historique de l’insurrection lancée par Boko Haram en 2009, les autorités locales tirent la sonnette d’alarme. Le gouverneur Babagana Zulum a averti que les groupes armés regagnaient du terrain, notamment autour du lac Tchad et des collines de Sambisa, zones frontalières du Cameroun. Il accuse l’armée nigériane de ne pas opposer une résistance suffisante face à l’avancée des insurgés.
Des technologies de guerre inédites
Selon plusieurs experts en sécurité, cette résurgence s’explique en partie par l’accalmie observée dans les combats fratricides entre Boko Haram et l’ISWAP — deux factions issues de la scission de 2016 — mais aussi par l’adoption croissante de technologies de guerre sophistiquées. « Les deux groupes sont devenus plus audacieux, plus offensifs, et ils démontrent désormais une capacité technique plus poussée », souligne James Barnett, chercheur à l’Hudson Institute, qui mène des travaux de terrain au Nigeria.
Parmi les évolutions les plus préoccupantes, l’usage de drones armés s’est récemment imposé comme une nouvelle menace. Le mois dernier, un poste militaire proche de la frontière camerounaise a été visé par une attaque menée depuis les airs, causant la mort de plusieurs soldats. Une capacité que les analystes attribuent à un regain de soutien financier et logistique de l’organisation État islamique à sa branche ouest-africaine. « Des conseillers étrangers auraient été dépêchés dans la région pour renforcer l’expertise opérationnelle de l’ISWAP », indique Vincent Foucher, chercheur au CNRS, spécialiste de l’insurrection au Sahel. « Leur influence se fait sentir dans la mise en œuvre de tactiques combinées : drones, explosifs, embuscades coordonnées. Ce sont des attaques à plus grande échelle et plus précises. »
Une armée désorganisée, des insurgés opportunistes
Le silence de l’armée nigériane, sollicitée par plusieurs médias et restée muette, alimente la frustration croissante de la population locale. De plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer le manque d’anticipation stratégique face à une menace qui, loin de disparaître, se redéploie avec méthode. Pour Malik Samuel, analyste au sein du think tank Good Governance Africa, cette dynamique rappelle les vagues précédentes de violences. « Ce n’est pas la première fois que les groupes djihadistes reprennent l’initiative. Ils s’adaptent, testent les lignes de front, et frappent lorsqu’ils identifient des failles. C’est une constante dans leur mode opératoire. » Autre facteur aggravant : le relâchement apparent de la rivalité entre Boko Haram et l’ISWAP, longtemps occupés à se neutraliser mutuellement dans une guerre interne sanglante. Selon Vincent Foucher, « les deux factions sont aujourd’hui moins engagées dans ce conflit fratricide, ce qui leur laisse davantage de ressources et de temps pour mener des attaques contre l’armée et les civils ».
Une menace régionale persistante
Alors que les zones affectées bordent les frontières du Cameroun, du Niger et du Tchad, cette remontée en puissance des groupes djihadistes nigérians fait peser une menace croissante sur la stabilité régionale. Les incursions transfrontalières se multiplient, et les réponses militaires restent inégales ou mal coordonnées, selon les observateurs. Le nord-est du Nigeria, dévasté par plus de quinze ans de guerre, semble pris dans un cycle de violences sans fin. La population civile, elle, reste piégée entre une insécurité chronique, une armée à bout de souffle et des insurgés mieux équipés et de plus en plus audacieux.
LSI AFRICA avec Reuters
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