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Par Francis LALOUPO

Afrique de l’Ouest : Juillet en Putschland

Sombre anniversaire au Niger, violations des droits fondamentaux en Guinée, délire autocratique au Burkina Faso, sinistres mascarades au Mali… Suite de nos chroniques des jours ordinaires en territoire de putschs. 

LSI AFRICA
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Sombre anniversaire au Niger. 

Celui du coup d’Etat le plus insensé, perpétré le 26 juillet 2023 par des militaires de la garde présidentielle. Les auteurs du forfait maintiennent toujours en détention l’ancien président, Mohamed Bazoum, et son épouse Hadiza. Pourquoi cette obstination à priver l’ancien président de sa liberté? Et pourquoi avoir, de surcroît, ourdi la levée de son immunité afin de le livrer à une justice aux ordres qui le condamnerait à la réclusion à perpétuité? Rappelons qu’au Mali voisin, en 2020, les militaires précurseurs des «putschs nouvelle génération» s’étaient gardé d’infliger pareil traitement au président déchu Ibrahim Boubacar Keïta, dit IBK. Au Burkina Faso, les auteurs du coup d’Etat de janvier 2022 avaient su, eux aussi, garantir au président Roch Marc Christian Kaboré sa liberté de mouvements. Comment alors, dans le cas du Niger, expliquer une telle violence à l’encontre de Mohamed Bazoum? Parce que, contrairement à IBK du Mali et Kaboré du Burkina Faso, il refuse toujours de formuler sa démission ? Aujourd’hui, cette explication semble plutôt insuffisante. Parce que sa parole serait redoutée, une fois sa liberté recouvrée ? Difficile de se contenter de cette hypothèse. L’acharnement que subit l’ancien président serait-il proportionnel à la haine farouche que lui vouent ses tombeurs et tous ceux qui adhèrent à leur cause ?  Cet aspect de la question n’est pas à négliger. 

Un otage de plus en plus embarrassant

Toutefois, une autre explication pourrait se trouver dans le récit que les putschistes de Niamey s’évertuent à construire pour poursuivre leur aventure. Convaincus qu’ils pourraient subir une offensive armée venant «d’un pays voisin», ils estiment «légitime» que la détention de l’ancien président constitue un bouclier de premier ordre contre une telle menace. C’est en tout cas le récit qui a été récemment confié à un médiateur, dont la mission de bons offices, auprès du pouvoir de Niamey, en vue d’une libération de Bazoum, n’a pas produit les résultats escomptés. Un an après son coup d’Etat, la junte nigérienne est en proie à des humeurs paranoïaques. Elle affirme à tout va, sans jamais le démontrer, que le Bénin voisin héberge des «bases militaires françaises», en position d’attaque imminente contre le Niger. Cette construction narrative, qui défie la raison ordinaire, éloigne un peu plus encore la perspective d’une libération prochaine de Mohamed Bazoum. A l’heure actuelle, les Nigériens doivent composer avec l’inquiétant bilan des hommes en treillis. Il sera de moins en moins aisé aux partisans de la junte d’imputer – fort injustement – tous les malheurs du pays à l’ancien président séquestré. Victime expiatoire d’un coup d’Etat aux fondements crapuleux -et donc inavouables-, Bazoum pourrait devenir, sinon la mauvaise conscience de ses geôliers, du moins, un otage de plus en plus embarrassant.  

Le IB show et la fabrique des «ennemis extérieurs»

Pendant ce temps, au Burkina Faso…  Le capitaine Ibrahim Traoré, chef de la junte au pouvoir, qui a su récemment – momentanément ? – calmer les mouvements d’humeur au sein de l’armée, a décidé de créer le buzz, le 11 juillet dernier. Ibrahim Traoré, alias « IB », gouverne tel un influenceur des réseaux sociaux. Ce jour-là, il a réuni ses partisans à Ouagadougou, à la manière d’un live TikTok, pour délivrer un message «de la plus haute importance». La foule présente, qualifiée de «forces vives», est acquise à sa cause. Voici venu le temps du «IB Show»… Le capitaine Traoré entonne d’abord les immanquables couplets sur les « impérialistes » en embuscade, prêts à « piller » son pays. Puis, se lance dans une vive diatribe à l’encontre de la Côte d’Ivoire et du Bénin, accusés d’héberger des «bases françaises», et plus précisément des «centres d’opérations terroristes». Et que se passe-t-il donc dans ces lieux ainsi désignés ? On y trouve, selon lui, des «terroristes entraînés par l’armée française» dans le but de « déstabiliser le Burkina Faso ». Quel intérêt auraient donc la Côte d’Ivoire et le Bénin à «déstabiliser» le Burkina Faso ? Confrontés, eux aussi, au fléau du terrorisme, par quelles contorsions de l’esprit les dirigeants de ces deux pays pourraient-ils être amenés à héberger et entraîner des «terroristes», et ce, «avec l’aide des Français» ? Le spectacle du capitaine IB confine à l’exercice hallucinatoire. On pourrait en rire si l’affaire ne mettait pas en cause le destin du Burkina Faso, aujourd’hui menacé de toutes les dérives du pouvoir en place. 
Le capitaine sans-peur promet de « montrer prochainement des preuves physiques » de ses allégations. Autant dire qu’on pourrait les attendre indéfiniment. Tout comme celles promises par les juntes associées du Mali et du Niger lorsqu’elles désignent des ennemis extérieurs. Si la France est toujours citée pour ponctuer le récit paranoïaque de ces régimes, elle semble être de moins en moins au centre des vitupérations des dirigeants de l’Alliance des Etats du Sahel (AES - Mali, Niger, Burkina Faso). A mesure que la France s’éloigne, ou se fait discrète, ces juntes en viennent à fabriquer des ennemis de proximité, quitte à aggraver les tensions dans la région. Des pays voisins qualifiés de « relais de l’impérialisme » deviennent les cibles de leurs discours diversifs. La fabrique des ennemis extérieurs, pour détourner les opinions des errements des dirigeants, est l’apanage des régimes autoritaires. Le syndrome est encore plus alarmant lorsqu’il se double de l’équation militaire.

Pendant ce temps, au Mali… 

Contre toute attente, les autorités ont levé, mi-juillet, la suspension des activités des partis politiques, décidée en avril dernier. Les partis, de nouveau autorisés à exercer leurs activités, exigent à présent la libération de 11 leaders de l’opposition, membres de la coalition de la «Déclaration du 31 mars 2024», arrêtés, le 20 juin, à Bamako. Ils estiment que le maintien en détention de ces leaders «n’est pas de nature à favoriser la décrispation du climat politique».  Selon les acteurs de l’opposition, la levée de la suspension des activités des partis viserait surtout à favoriser l’entrée en scène des mouvements de soutien à la très probable candidature du colonel Assimi Goïta, le chef de la junte, à une future élection présidentielle. Dans cette perspective, les formations de l’opposition seront tenues sous haute surveillance, tout au long du simulacre de processus électoral que le pouvoir militaire s’apprête à engager. Cette logique de la terreur conduirait alors à la «victoire» du colonel Goïta. Mais, face au scénario qui se profile, les adversaires de la junte semblent désormais déterminés à faire de nouveau prévaloir les règles et instruments de la politique sur les anomalies d’un régime illégal.

A part ça, en Guinée… Alerte majeure sur les atteintes aux droits fondamentaux. Emblématique d’une poussée inquiétante de l’autoritarisme de la junte guinéenne, la brutale arrestation, dans la nuit du 9 Juillet 2024, d’Oumar Sylla, alias Foniké Menguè, et Mamadou Billo Bah, tous deux militants politiques et défenseurs des droits humains. Les deux hommes ont été littéralement enlevés par un groupe de militaires armés et cagoulés. Une scène de guerre… Interdiction de manifester, arrestations arbitraires, fermetures de médias, gel des activités des partis politiques, répression de toutes formes de critiques envers les autorités… Plus le retour à un pouvoir civil, dans un avenir proche, apparaît incertain, plus le régime du colonel Mamadi Doumbouya multiplie des exactions à l’encontre de citoyens guinéens. Le putsch de septembre 2021 qui a renversé le régime d’Alpha Condé avait été salué comme une «libération» par les foules et les composantes de la scène politique. Les hommes en treillis avaient alors juré de mettre fin au règne de l’injustice, de l’arbitraire et de la corruption. Las, il semble bien que cette junte inscrit son action dans la redoutable continuité de ses prédécesseurs. Elle serait même en passe de faire pire.

Francis LALOUPO, Journaliste, Enseignant en Géopolitique.

Commentaires (5)

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Derniers commentaires

AI
Afro

Qu'en est-il du putschiste Gabonais, du fils Debi, de Alassane Ouatara et Fore Ngassigbe eux vous n'en parler pas ? Eux c'est les bon putschiste pour vous ? LOL. Votre journal de merde est partisane. Occuper vous de la politique Française qui est actuellement aux aboie et laisser l'afrique zn paix. On a pas besoin de vos commentaires sur comment on gere nos pays. Vous continuer a penser que les Africains sont des idiots a qui vous aller toujours continuer à dire ce qui est bon pour eux et ce qui ne l'est pas ? Foutaise

vh
viyetin sosthène

Laloukpo ne porte plus de masque tant son profil de vendu n'est plus à demontrer.
Qu'il se complaise dans sa myopie et cécité occidentale.

PE
Paul

Vous êtes les pires ennemis de l'Afrique qui souhaite sortir du genoux de l'impérialisme
Vos intoxication quoi que bien ficellees n'aboutissent point puisque c'est l'heure de Dieu de ce continent martyrisé pendant des siècles qui a sonné....
Vous ferez mieux de ne pas s'y opposer si non..
Vous allez gouverner les boeufs et les moutons...

fj
frappe

le président que nous reconnaissons c'est Bazoum qui règne toujours au palais et n'a pas démissionné. c'est dans votre metavers que le general a pris le pouvoir, pas dans la réalité.

fj
frappe

le président que nous reconnaissons c'est Bazoum qui règne toujours au palais et n'a pas démissionné. c'est dans votre metavers que le general a pris le pouvoir, pas dans la réalité.

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