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Succession de Paul Biya : entre agitations et incertitudes

Des chefs traditionnels et religieux ont appelé récemment l’actuel Chef de l’État camerounais à briguer un autre mandat. Malgré son âge avancé, Paul Biya, 92 ans, reste le cheval gagnant d’un système pourtant à bout de souffle. Analyses croisées de deux universitaires. 

Crédit Photo : AFP
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Paul Biya, président du Cameroun.

A huit mois de l’élection présidentielle camerounaise prévue en octobre 2025, la seule probable candidature qui cristallise les attentions, c’est celle du président sortant qui est à la tête du pays depuis 1982. Si son état-major politique est déjà mobilisé, les chefs traditionnels aussi donnent de la voix pour demander à Paul Biya de s’accrocher au pouvoir. La récente sortie des chefs traditionnels, des autorités religieuses des régions de l'Adamaoua, du Nord et de l’Extrême-nord ainsi que des imams des mosquées de Yaoundé a marqué l’actualité, au point où certains s’interrogent sur « l’engagement politique » de ces forces sociales. 

« Si on prend les chefs traditionnels qui lui ont manifesté leur soutien, ils reçoivent depuis 2013 une allocation allant de 50 000 francs CFA à 200 000 francs CFA net d’impôts. Ce n’est pas étonnant qu’ils veuillent que le Président Paul Biya rempile afin de garder leurs avantages », explique à Lsi-africa, Dr Doudou Sidibé, enseignant-chercheur à ESIEE Paris/Université Gustave Eiffel. Si le régime de Paul Biya a réussi à étendre ses tentacules dans les cercles de la société civile, c’est grâce à un système de corruption permanent. Cette stratégie réussit aussi grâce à un jeu politique fermé. 

Un jeu politique très fermé

Selon Dr Jean Charles Biagui, enseignant chercheur en Sciences politiques à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, d’autres facteurs expliquent cette cristallisation de soutiens autour de la candidature de Paul Biya à la prochaine élection présidentielle. « D’abord, le jeu politique camerounais est resté très longtemps fermé. Cela ne donne pas une grande marge de manœuvre à l’opposition ni à la société civile une possibilité de contestation », décortique Biagui. L’intellectuel sénégalais ajoute que le caractère fermé jeu politique a permis au président camerounais «de créer une clientèle politique qui n’a pas intérêt à ce que Paul Biya parte même si cela arrivera tôt ou tard ». Dans le rang de cette clientèle politique, des partis comme l’UPC, leMDR, le PCRN et le PRAC, « des partis en transition », estime Dr Sidibé, « redevables » à Paul Biya parce qu’ils« bénéficient de ses faveurs». 

Pour Dr Jean Charles Biagui, Paul Biya, resté très longtemps au pouvoir, a réussi à instaurer un système clientéliste et de loyauté à la tête du Cameroun. «Comme c’est toujours le cas, l’entourage des chefs d’Etat a des intérêts personnels à sauvegarder et tente de les pousser à se maintenir au pouvoir contre la volonté du peuple. Le Président Paul Biya n'échappe pas à cette logique », complète Dr Sidibé. Mais, relativise Dr Biagui, « il ne faut pas penser que Paul Biya reste populaire ». 

Crainte du syndrome Ali Bongo renversé par des militaires

Les deux spécialistes s’accordent à dire que le Cameroun est un pays plus ou moins stable grâce à la gestion clientéliste du Président Paul Biya qui a réussi à maintenir un équilibre politique et social, avec une bonne péréquation du pouvoir en perpétrant le système de quotas de représentation provinciale dans l’appareil d’État. Dr Sidibé et son homologue de l’Université Cheikh Anta Diop constatent, néanmoins, que Paul Biya n’a plus sa fraîcheur d’antan pour s’occuper convenablement des affaires de l’État camerounais. Ce qui pose des questions sur sa succession ou sa réélection à la tête du pays. Risque-t-il d’être frappé du syndrome Ali Bongo, qui a été renversé, après une réélection, par des militaires ayant constaté son incapacité physique et mentale à présider le Gabon ?

« Le Cameroun est différent du Gabon. Au Gabon, une dynastie s’était installée, et un moment donné, les militaires ont jugé nécessaire de mettre fin à cela pour enfin permettre à ce petit pays de libérer son énergie. Au Cameroun, l’armée vit encore le traumatisme de l’échec de la tentative de coup d’Etat de 1984 menée par des hauts gradés musulmans et durement réprimée dans le sang avec de nombreuses exécutions. Le président Paul Biya en avait également profité pour réorganiser l’armée en mettant ses hommes de confiance dans des positions stratégiques. Je ne peux pas dire de façon péremptoire que l’arméecamerounaise ne pourrait pas imiter celle du Gabon mais cela ne sera pas facile. Elle pouvait être aidée par la jeunesse mais cette dernière a été également refroidie par la répression sanglante d’une tentative de révolte qui avait fait plus d’une centaine de morts en 2008 », décrypte Dr Sidibé.

Dr Jean Charles Biagui est plus nuancé : « L’arméecamerounaise est mieux structurée que l’armée gabonaise. Mais, avant de parler du syndrome gabonais, n’oublions pas le syndrome algérien avec le président Bouteflika destitué par son armée mieux structurée que l’armée camerounaise ». 

Roger Kandé

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