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UNE CAMPAGNE DE COMMUNICATION POUR MASQUER LA GROGNE DANS LES CASERNES

Influenceurs achetés, soldats oubliés : révélations sur le pari risqué d’Ibrahim Traoré

Sous pression face à la colère grandissante dans les casernes, le régime du capitaine Ibrahim Traoré a déclenché une vaste opération d’influence sur les réseaux sociaux. Pilotée en coulisses par son frère, Kassoum Traoré, cette campagne visait à redorer l’image du pouvoir auprès de la population et à dissuader toute tentative de fronde militaire. Mais derrière les vidéos laudatrices et les messages d’unité nationale diffusés en boucle sur TikTok, Instagram et Facebook, la manœuvre s’est rapidement révélée contre-productive.

Crédit Photo : PRF
Crédit Photo : PRF

Capitaine Ibrahim Traoré.

Des influenceurs étrangers grassement rémunérés

Selon plusieurs sources proches du pouvoir, la présidence burkinabè a alloué plusieurs centaines de millions de francs CFA à cette campagne numérique. Des influenceurs, principalement anglophones, ont été recrutés à travers des agences de communication basées au Ghana, pays dirigé par John Dramani Mahama, proche d'Ibrahim Traoré. Ce dernier aurait joué un rôle majeur dans le retour au pouvoir du dirigeant ghanéen. Selon nos informations, chaque influenceur aurait perçu entre 5 000 et 15 000 dollars américains pour produire et diffuser des contenus à la gloire du capitaine putschiste. Les messages, souvent standardisés, insistaient sur le leadership de Traoré, la souveraineté africaine et la lutte contre les « ennemis de l’intérieur ».

Sarkodie, Meek Mill, et la mise en scène d’un soutien panafricain

Symbole de cette offensive médiatique : le tweet du rappeur ghanéen Sarkodie, affichant « God protect Ibrahim Traoré ». Le message, visionné plus de cinq millions de fois, a été partagé par la star américaine Meek Mill. Rapidement, des milliers d’internautes – d’Afrique de l’Ouest, de la Namibie, du Kenya, de la Jamaïque, des Caraïbes ou encore des États-Unis – ont inondé les plateformes de messages de soutien à Traoré. La campagne a tenté de créer l’image d’un chef d’État panafricain, engagé dans un combat pour une Afrique libre. Un storytelling pourtant orchestré depuis Ouagadougou, et souvent fondé sur des informations biaisées ou totalement fictives.

Une stratégie qui se retourne contre ses auteurs

Sur les réseaux sociaux burkinabè, la supercherie n’a pas tardé à être éventée. De nombreux internautes ont dénoncé les incohérences et les erreurs flagrantes commises par ces influenceurs venus d’ailleurs. « Ils ne savent même pas situer Ouagadougou sur une carte », ironise un commentaire sous une vidéo virale. Au lieu d’apaiser la situation, cette campagne maladroite a mis en évidence le système "IB" qui peine à conserver le soutien de sa propre armée. Plusieurs unités militaires auraient récemment transmis des mises en garde directes à la présidence, réclamant des changements rapides dans la hiérarchie.

Une présidence de plus en plus isolée

Après avoir invité d'anciens footballeurs internationaux à Ouagadougou pour une partie de football à la présidence de la république à l'occasion de son anniversaire le 14 mars dernier, (10 millions FCFA pour chaque invité), voici le temps des publications fabriquées.  « Cette opération est le symptôme d’un pouvoir coupé de ses réalités », explique un Appolinaire Kaboré, analyste en communication politique. « Au lieu de rétablir la confiance, elle a illustré l’incapacité de l’exécutif à gérer la crise sécuritaire. » À Ouagadougou, malgré des manifestations pro-gouvernementales organisées en réaction, la défiance persiste dans les rangs de l’armée comme chez une partie de la population. L’absence de résultats concrets sur le terrain renforce la méfiance envers un pouvoir qui semble miser davantage sur l’image que sur l’action.

Le Burkina Faso confronté à une intensification des attaques terroristes

Parallèlement à cette crise de confiance, la situation sécuritaire continue de se détériorer. Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM) multiplie les attaques dans les régions du Sahel, du Centre-Nord et de l’Est. Ces offensives, particulièrement meurtrières, ont causé la mort de centaines de soldats, de Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) et de civils ces derniers mois. La présence renforcée du JNIM dans l’Est burkinabè a également des conséquences régionales. Le 17 avril dernier, une attaque au nord du Bénin a coûté la vie à 54 militaires. Le gouvernement béninois a dénoncé une coopération sécuritaire défaillante avec ses voisins, sans nommer explicitement le Burkina Faso ou le Niger. Ces derniers mois, le régime Traoré semble plus isolé que jamais. La campagne d’influence numérique, loin de raffermir son autorité, a révélé un pouvoir inquiet, fébrile et mal préparé face à la complexité de la crise sécuritaire qu’il prétend résoudre.

LSI AFRICA

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